Pratiques addictives et travail : un cocktail dangereux


Pratiques addictives, de quoi parle-t-on ?

Les types de substances psychoactives (PSA) sont nombreux (alcool, médicaments, tabac, cannabis etc.) tout comme les modes de consommation qui vont de l’usage simple (non considéré comme pathologique) à la dépendance (addiction), en passant par l’usage nocif. Quoiqu’il en soit, même à faible dose, leur consommation constitue un véritable risque pour la santé et la sécurité des salariés.  

C’est aussi parce que ces situations touchent tous les secteurs d’activités et toutes les catégories socioprofessionnelles sans exception, qu’il est important de les évaluer et de les prévenir notamment en les intégrant dans le document unique. 

Quelles sont les responsabilités de chacun dans l’entreprise ?

En tant qu’employeur, vous avez une obligation de sécurité absolue envers vos salariés qui vous conduit à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger leur santé.  

Vous devez donc être en mesure de repérer et de neutraliser les situations pouvant conduire à la survenue d’un accident du travail lié à un état d’ébriété ou d’emprise à une drogue.  

La non-action peut être considérée comme de la non-assistance à personne en danger, mise en danger de la vie d’autrui, infraction involontaire, négligence etc.  

Le salarié doit « prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé ainsi que celle des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail ».  

Quelles sont les conséquences des pratiques addictives au travail ?

Les conséquences sont multiples : 

  • Santé : atteintes du foie, cerveau, cœur, gorge etc. 
  • Social : accident de la route, endettement, violence, isolement etc. 
  • Famille : conflit couple, agressivité, maltraitance etc. 
  • Professionnel : baisse de productivité, difficultés relationnelles, augmentation de l’absentéisme, baisse de vigilance entrainant des erreurs, augmentation des accidents de travail, licenciement, chômage, désinsertion etc.

Ce qu’il faut retenir

Les repères du ministère de la Santé sur les consommations à risque :  

1 verre standard =

  • 10 verres standards/semaine  
  • maximum 2 verres/jour et 5 jours/semaine  
  • conseil de rester au moins 2 jours « sans consommation d’alcool » chaque semaine 

Rappel : ce n’est pas la quantité consommée qui définit la dépendance. 

Le Code du travail (articles R4228-20 et R4228-21) encadre l’usage d’alcool et interdit l’ivresse sur les lieux de travail :  

  • « Aucune boisson alcoolisée […] n’est autorisée sur le lieu de travail » 
  • « Il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d’ivresse »  

Le Code de la route sanctionne la conduite sous l’emprise de stupéfiants et/ou de l’alcool. Le taux actuel sur la route (tolérance inférieure à 0,5 g/l) est diminué pour certains postes et profils (transports en commun routiers ou permis probatoires : tolérance inférieure à 0,2 g/l, décret du 25.10.2004).


Depuis le 1er février 2007 pour la cigarette, et depuis le 1er octobre 2017 pour la cigarette électronique, il est interdit de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, fermés et couverts, qui constituent des lieux de travail (Code de la santé publique, articles L.3512-8 et R.3512-2, Décret n° 2017-633 du 25 avril 2017). 

Un local spécifique peut toutefois, sous certaines conditions, être mis à disposition des fumeurs (Code de la santé publique, articles R.3512-3 à R.3512-8). 


Il est interdit de posséder, consommer ou trafiquer des stupéfiants au travail (Code pénal, article 222-37). La consommation de drogue sur le lieu du travail constitue une faute justifiant une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. 

Le Code de la santé publique réprime l’usage de drogues illicites (livre IV). 

Le Code pénal sanctionne plus lourdement l’auteur de l’infraction commise en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise de stupéfiants.


Une vigilance est de mise quant à la consommation de CBD, le domaine étant émergeant. Les juges de la Cour de cassation ont récemment rappelé via l’arrêté n°22-85.530 du 21 juin 2023, que si consommer du CDB contenant des teneurs infimes en THC est autorisée, ce produit est classé comme stupéfiant. Autrement dit, à partir du moment où il implique la présence de traces de stupéfiant dans des tests salivaires ou sanguins, sa consommation est incompatible avec la conduite et constitue une infraction à l’article L. 235-1 du Code de la route. 

L’encadrement de la consommation de CBD sur le lieu du travail est possible (possibilité de restreindre ou d’interdire sa consommation) et peut donner lieu à des test de dépistage salivaires prévus pour le THC (non possibles pour le CBD). Ces tests doivent bien sûr être inscrits dans le règlement intérieur.

Comment agir dans l’entreprise ? 

Anticipez et prévenez les situations à risque en mettant en place une démarche de prévention des addictions.  

Vous pouvez être accompagné par votre service de prévention et de santé au travail, qui reste votre interlocuteur clé ! 

Le médecin du travail est le conseiller de l’employeur et des salariés, il participe à la prévention et à la protection de la santé des travailleurs : 

  • De manière individuelle : La surveillance de l’état de santé du salarié (suivi médical)  
  • De manière collective : Action en entreprise – conseil :  sensibilisation sur les risques, réflexion sur le règlement intérieur, conduite à tenir en cas d’état altéré, comportement inhabituel, la législation en vigueur, aide à l’élaboration du document unique etc. 

Tenez à jour votre règlement intérieur et notes de services: outils indispensables à la prévention qui doivent préciser les éléments suivants :  

  • L’interdiction d’introduire et consommer dans les locaux de l’entreprise toutes substances illicites (drogues, alcool etc.)  sous quelques formes que ce soit
  • Les modalités de contrôle en cas de situation dangereuse (personnes habilitées etc.) 
  • Les sanctions prévues 

Précisez dans le règlement intérieur que toute présomption de consommation de drogue entraînera une mise à l’écart immédiate du poste de travail tant que le salarié ne sera pas vu par le médecin du travail.

Quelle attitude adopter face à un salarié au comportement inhabituel ?

  1. Repérer la présence de plusieurs signes convergents : 
  • Désorientation 
  • Haleine douteuse 
  • Troubles de l’équilibre 
  • Somnolence 
  • Hallucinations 
  • Agitation 
  • Euphorie 

Attention :  ces signes ne sont pas forcément liés à l’alcool. 

  1. Evaluer si la personne est dangereuse ou en danger 
  1. Soustraire le salarié d’une situation dangereuse et le mettre en sécurité (le mettre en salle de repos) 
  1. Appeler un secouriste et demander un avis médical en contactant le 15, si altérations des fonctions vitales.  Noter par écrit les indications du médecin contacté 
  1. Organiser en l’absence d’urgence médicale la surveillance et l’évacuation par un tiers (membre de la famille ou ambulance), selon les règles de raccompagnement 
  1. Utiliser éventuellement un éthylotest dans les conditions prévues dans le règlement intérieur 

Lors de la reprise d’activité, prévoir un entretien avec l’autorité hiérarchique et organiser une consultation avec le médecin du travail. 

Attention : en aucun cas le salarié ne doit repartir avec son propre véhicule. 

Vous avez un doute sur une addiction ?

Quels sont les signes d’alerte ? 

  • Un salarié est surpris en train de consommer de l’alcool sur le lieu de travail 
  • Un salarié multiplie les incidents, accrochages, retards, accidents 

Que peut-on faire ? 

  • Vérifier l’absence de danger pour le salarié lui-même ou pour autrui 
  • Parler avec le salarié 
  • Envisager une visite médicale, en informant le salarié du motif de cette visite 
  • Communiquer alors par écrit au médecin du travail des faits précis constatés 

Attention : Pour toute visite occasionnelle à la demande de l’employeur, il faut communiquer par écrit au médecin du travail des faits précis et le motif de la visite.

À télécharger : Fiche de constat d’un trouble aigu du comportement évoquant l’ivresse

Pouvez-vous organiser des fouilles des armoires et vestiaires ?

Oui, si

  • Le salarié est informé de la possibilité d’être accompagné d’un représentant du personnel 
  • Elle est inscrite au règlement intérieur (ou note de service) 
  • Elle n’a pas de caractère systématique 
  • Elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir (poste de sécurité ou de sûreté) et proportionnée au but recherché (sécurité des personnes et des biens) 
  • Sa réalisation respecte la dignité du salarié
  • Le salarié est prévenu de la fouille et de son droit de s’y opposer 
  • Le consentement du salarié est retenu devant témoin 
  • La fouille est réalisée en sa présence 

    Pouvez-vous faire un contrôle par éthylotest dans l’entreprise ?

    Dans le cas d’une ivresse, ou si un salarié est soupçonné d’avoir consommé de l’alcool, le chef d’entreprise ou son représentant peuvent confirmer l’origine alcoolique en pratiquant un éthylotest. 

    Oui, si : 

    • Le but est de faire cesser une situation dangereuse pour la sécurité du salarié ou celle des autres 
    • Cette disposition est prévue dans le règlement intérieur où sont définis les postes de sécurité ou à risque concernés et les procédures détaillées ci-dessous 

    Comment ? 

    • Par éthylotest (dépistage de l’alcool dans l’air expiré) 
    • Réalisé par la personne prévue dans le règlement intérieur, préalablement formée 
    • La présence d’un tiers doit être proposée au salarié, éventuellement un délégué du personnel
    • Le salarié est informé de son droit de demander une contre-expertise, elle doit être prévue à l’avance

    Comment organiser un pot dans l’entreprise ?

    Selon le Code du travail (Article R4228-20), l’introduction de boissons alcoolisées dans l’entreprise est réglementée. Des pots peuvent être organisés en cas d’événements exceptionnels en évitant toute régularité ou systématisation, sous la responsabilité de l’employeur

    • Prévoir un protocole écrit d’organisation dans le règlement intérieur ou sous forme d’une charte 
    • Rappeler les conditions du déroulement du pot 
    • Proposer des boissons non alcoolisées 
    • Limiter les quantités et la durée du service de boissons alcoolisées 
    • Privilégier le service plutôt que le libre-service 
    • Associer une collation 
    • Mettre à disposition des éthylotests (confidentiels) 
    • Envisager à l’avance des modalités de raccompagnement en cas de doute (covoiturage, espace de repos avant retour au poste…) 

    Peut-on dépister l’usage de cannabis en entreprise et comment ?

    Oui, un test salivaire peut être réalisé par l’employeur mais dans des conditions très restrictives : 

    • Le salarié occupe un poste à risque et / ou de sécurité recensée par l’employeur et inscrit dans le règlement intérieur
    • Le dépistage est prévu dans le règlement intérieur ou dans une note de service
    • Le salarié doit être informé des conditions de réalisation des contrôles et des possibilités de recours 

    À noter toutefois que les tests de dépistage ne sont pas fiables à 100%. 

    Attention : La réalisation d’un test de dépistage ne relève pas des missions du médecin du travail ou de l’infirmier en santé au travail. 

    Que peut-on faire ? 

    • Vérifier l’absence de danger pour le salarié lui-même ou pour autrui 
    • Parler avec le salarié 
    • Organiser un dépistage uniquement s’il est inscrit au règlement intérieur pour les postes à risques définis comme tels et dans des circonstances bien déterminées 
    • Envisager une visite médicale, en informant le salarié du motif de cette visite 
    • Communiquer alors par écrit au médecin du travail des faits précis constatés 
    • Inscrire dans le règlement intérieur l’interdiction de l’introduction et de la consommation de cannabis ou de stupéfiants (leur usage est interdit par la loi)